L’ART COMME OUTIL POUR L’HUMANITE
ITEKA YOUTH ORGANIZATION, une organisation de jeunes, orientée vers le renforcement des jeunes dans les initiatives mettant en avant leurs potentiels pour l’édification de sociétés plus justes et pacifiques, a pris l’initiative heureuse d’organiser un festival, ITEKA African Cultural Festival, à l’occasion de la Journée Mondiale de la Culture Africaine et Afro-descendante. Cette journée, célébrée chaque année le 24 Janvier, a été instaurée par l’UNESCO en 2019. Elle coïncide aussi avec l’adoption en 2006 de la Charte de la Renaissance Culturelle Africaine par les Chefs des Etats et Gouvernements de l’Union Africaine pour mettre en avant le rôle de la Culture africaine dans la promotion de la paix sur le continent et dans le monde.
Les objectifs majeurs de ce festival sont la promotion des valeurs humaines et de l’unité par des personnes de différents horizons, le partage de messages pour la paix et la cohésion sociale, la contribution aux missions de l’Initiative pour la Paix de l’Union Africaine.
Pour réussir ce festival et parvenir à ses objectifs, il est impératif de se poser des questions pertinentes au regard des luttes des Artistes Africains pour s’exprimer et être reconnu, au regard de la place de la Culture Africaine dans le concert des Nations, et de sa pertinence dans la marche de l’humanité dans la recherche de la paix par la communication culturelle et artistique.
- Qu’est ce qu’est l’Art en général, qu’est ce qu’est l’Art Africain en particulier? Qu’est-ce qu’un artiste en général, qu’est-ce qu’un Artiste africain en particulier? L’Art est avant tout une expression, une expression par les cinq sens (vue, goût, odorat, toucher-main, ouïe) mise en action, en mouvement par une imagination créatrice d’une personne qui veut toucher, communiquer, participer positivement à l’humanité! L’Art Africain présente une touche particulière africaine dans cette expression, cette communication, une touche qui fait ressortir tous les aspects formant la Culture africaine en général et de chaque peuple africain en particulier, à travers l’Histoire si mouvementée de l’Afrique. C’est pourquoi, l’homme de culture, l’artiste africain doit être avant tout un militant de par l’histoire des peuples africains dont l’expression artistique a été ignorée, pillée, déformée, combattue par tous les moyens, de sorte qu’aujourd’hui l’homme africain ignore toute l’étendue de l’art et la culture africaine, tout l’apport à l’humanité de l’expression culturelle africaine ! Car il y a eu une Civilisation africaine avant sa rencontre avec l’Occident, une rencontre prédatrice avant tout. Cette Civilisation a produit de l’Art, a vécu des Cultures qui avaient leurs propres cosmogonies, leurs propres spiritualités, leurs propres philosophies que nous commençons petit à petit à découvrir par une prise de conscience progressive des valeurs humaines que ces cultures véhiculaient. L’artiste africain contemporain doit donc tout faire pour se reconnecter a ses racines artistiques et culturelles qui ont fait les peuples Africains, en redécouvrant et en comprenant ses prédécesseurs et les messages qu’ils nous ont légués par leurs expressions (Danses, masques, sculptures, chansons, poésies, dessins, art culinaire, etc…).
- Comment l’Artiste africain peut faire de son art un outil pour l’humanité ? La Charte de la Renaissance Culturelle Africaine oriente d’une certaine manière cette participation de l’Art et la Culture Africaine dans l’édification des valeurs universelles de l’humanité. Mais il est important que l’artiste lui-même en prenne conscience, qu’il considère que par son art contemporain, il fait revivre des artistes inconnus africains, ceux qui ont peints dans les grottes de Tassili, ceux qui ont sculpté les masques spirituels, ceux qui ont construit les pyramides à Gizeh, Sakkarah, Méroé, Napata, ceux qui ont inventé les danses rituelles, guerrières, sociales, ceux qui ont produits les poésies agricoles, pastorales, ceux qui ont inventé les plats dits traditionnels qui enchantent nos palais, ceux qui ont écrits des œuvres littéraires pour la libération de nos peuples, ceux qui ont chanté la résilience de nos peuples contre l’esclavage et la colonisation, le blues, le jazz, la rumba, … Et si aujourd’hui l’UNESCO, qui doit être profondément remercié, place la Rumba, le Tambour royal du Burundi, des plats africains, dans le patrimoine universel de l’Humanité, c’est parce qu’il y a eu engagement, combat pour cette reconnaissance. L’Afrique est reconnue comme le berceau de l’Humanité. Sommes-nous conscients qu’elle est par conséquent le berceau de tous les Arts, de toutes les valeurs humaines que l’artiste exprime dans ses œuvres depuis plus de 50.000 ans en Afrique ? Ces valeurs humaines ont été concentrées dans une seule expression dans nos langues Bantoues : UBUNTU qui peut être traduite par le mot HUMANITE. L’artiste guidé dans son art par ce principe humain si profond, UBUNTU, fera de son art et de sa culture un réel instrument pour la promotion de la paix, de la cohésion sociale, de l’entente entre les peuples. D’autres voies peuvent être explorées pour une participation engagée pour l’humanité.
- Quelle devrait être la part des autorités des Etats Africains, des amis de la Culture et l’Art africain dans l’appui aux artistes pour vivre de leur art et mieux diffuser les messages de paix ? Ce festival vient à point nommé pour sensibiliser les autorités africaines, des mécènes africains, pour mettre sur le même pied d’égalité l’Art et la Culture des Africains, des Afro-Descendant que les autres Arts de par le monde. Même dans les Arts, le monde ne doit plus être mono ou bipolaire. Il faut que des résolutions soient prises pour que plus de moyens soient consacrés à l’artiste africain, que les droits d’auteurs soient mieux règlementés dans l’intérêt des artistes et des pays producteurs, que des ecoles d'art soient érigés partout en Afrique et des échanges encouragés. Nous ne pouvons que constater la part misérable des budgets de la Culture et des Arts dans les budgets des Etats. Et pourtant des voies sont explorables pour augmenter cette part. Pensons aux restitutions des pièces d’Arts africains aux pays africains et aux indemnisations possibles des spoliations sur plusieurs siècles de l’Art africain. Aux artistes de s’unir pour faire entendre leur voix, ils ont une mission pour l’Afrique et l’humanité à accomplir.
Nous tenons vivement à remercier les responsables d’ITEKA Youth Organization pour cette initiative louable. Et nous espérons que la prise de conscience de l’importance de l’Art et la Culture Africaine suivra dans la jeunesse et chez toute personne consciente du retard de l’Afrique dans ce domaine afin que la participation d’artistes africains à la promotion des valeurs humaines soit demain réellement effective.
Dr Alphonse RUGAMBARARA