Ce poème a été écrit pour la revue LE REVEIL paru au mois d…. 1991. Nous avons trouvé son message si pertinent pour prévenir les dangers qui guettent le peuple Murundi, même après la fin de la guerre civile et plusieurs élections, que nous le republions pour itorero.org. Le système décrit ici est toujours présent car la classe politique n’évolue pas pour faire taire les conflits sectaires et se préoccuper des problèmes de développement.
65-72. UN SYSTEME
RUGAMBARARA Jeanne
Soixante Cinq
Soixante Douze
Que vous disent ces années
Mes frères,
Ces années où tant de sang a coulé.
Pourquoi tant courir après elles
Elles qui nous ont tout pris
Frères,
Sœurs,
Amis,
Espoir.
Oui mes frères
Espoir,
Espoir de se sentir tranquille
Espoir d’une vie meilleure
Sans ethnie minoritaire
Sans ethnie majoritaire
Mais tous unis
Tous unis par notre nationalité chérie
Que de sang a coulé
Que de sang coulera mes frères
Si de votre fierté
Vous ne faites table rase
Si de votre refoulement
Vous ne laissez partir votre colère
Oui mon frère
Crie,
Crie à qui veut l’entendre
Ta peur du lendemain
Ta peur de revoir ces années
Celles-là mêmes qui vous empêchent de dormir,
Celles-là mêmes qui vous poussent aux cauchemars,
Tantôt machette du Hutu
Tantôt baïonnette du tutsi
Mais jusqu’à quand frères,
Jusqu‘à quand cette hypocrisie
Qui ne fait que vous tromper vous-même ?
Jusqu’à quand, mon frère
Ces paroles succulentes
Qui ne le sont que pour toi
Car demain,
Oui demain,
Elles se retourneront contre toi.
Et ton peuple ?
Et son avenir ?
Qu’en fais-tu frère ?
De tes paroles mensongères
Rejaillira machettes
De tes fausses promesses ressortira
Soixante cinq
Soixante douze
Les années maudites qui,
De nos sages
De nos intellectuels
Ont rendu poussière
Ces années que chaque mémoire,
Chaque âme consciente
Se débarrasser voudrait.
Mais c’est l’histoire mon frère !
Et quelle honte !
Quelle honte encore mon frère
Quelle honte à vouloir
Dans l’erreur persister.
De ces années rouges
De ce passage pourri
Que ne pourrions-nous en tirer leçon !
Réveillez-vous camarades
Que tu sois hutu
Que tu sois tutsi
La finalité est la même : un bain de sang
Ne vous aveuglez pas, mes frères
Le système lui vous voit
Et il ne pardonne pas
Regardez-le
Faites-lui face
Et espérez
Espérez un lendemain meilleur
Avec hutu
Avec tutsi
Mais tous sur un même banc
Accusateur cette fois
Non plus du hutu
Non plus du tutsi
Mais du système mes frères,
Du système
Oui,
Accusez-le
Que lui seul soit responsable
Lui seul et ses défenseurs
Ceux-là même qui,
Sous leurs écrits aux couleurs de l’hypocrisie
Sous leurs paroles aux sons de l’opportunisme
Vous suceront jusqu’à la dernière goutte de votre pensée.
Défendez-vous mes frères !
N’avalez pas tous les comprimés
Mais triez,
Triez mes frères
Car de là dépend votre salut.
Armez-vous de votre meilleure arme :
La Démocratie.
Oui,
La Démocratie
Celle-là même pour qui
A sa simple vue
Le système réagit
Et l’alarme est donnée
Ne reculez pas mon frère
Le signal est donné
Mais avance.
La démocratie ne se cueille pas.
Mais se cache sous terre
Et il faut creuser mon frère
Creusez jusqu’à votre dernier souffle
Car vous êtes dans le bon
Allez jusqu’au bout du trou mon frère
Et seulement là
Seulement là mon frère
Le système sera vaincu.